Les chercheurs ne sont ni des êtres éthérés animés de la seule soif de connaissance ni des rentiers étanchant cette soif par leurs propres moyens. Leurs revenus et moyens de recherche viennent d’institutions publiques et privées dont les objectifs de puissance, de concurrence, de croissance, de survie ou de profit s’imposent à chaque acteur individuel, souvent sous la forme d’une course à l’innovation. A ce titre, et même si leur activité peut avoir des répercussions considérables, les chercheurs ne sont-ils alors que des travailleurs comme les autres, pris dans des hiérarchies de loyauté, des contraintes professionnelles, des exigences de performance indifférentes à ce qu’ils pensaient être leur vocation ?
À une économie industrielle dominée par la mobilisation de moyens matériels tend à se substituer, ou au moins se surimposer, une économie de la connaissance. La maitrise individuelle et collective des connaissances et des technologies est devenue décisive pour la compétition entre institutions de recherche, nations ou régions du monde, avec la grande redistribution des richesses et des puissances au profit de l’Asie. Mais elle contribue aussi aux inégalités croissantes au sein de chaque société. Quel rôle peuvent jouer la recherche et les chercheurs face à cette évolution ? La recherche peut-elle contribuer à plus de justice cognitive dans le monde alors qu’elle est elle-même parcourue par diverses formes d’exclusion et de discrimination, par exemple à l’endroit des femmes, des non-anglophones, des chercheurs des pays des suds?